Pendant le Mois de l’histoire des Noirs, j’ai eu le privilège de rencontrer en ligne quelques gestionnaires noires de maisons d’hébergement de partout au Canada. Je voulais avoir une discussion constructive sur les conditions de travail des femmes noires dans ce secteur et sur la manière dont les maisons peuvent mieux servir les femmes et les enfants noirs qui fuient la violence. En tant que nouvelle employée, je ne savais pratiquement rien des efforts déployés pour appuyer, connecter et éduquer les femmes noires en matière de VFF. Cette situation peut s’expliquer par le manque de recherches sur la violence faite aux femmes noires. Sachant cela, je me suis penchée sur les données recueillies par HFC lorsque nous avons distribué les fonds fédéraux COVID-19 aux maisons d’hébergement et je me suis appuyée sur les expériences des femmes travaillant sur le terrain pour mieux comprendre le contexte actuel.

Alors que les femmes noires représentent 3,5 % de la population féminine au Canada, les maisons d’hébergement pour femmes ont indiqué qu’ils prévoyaient que 9 % des femmes aidées pendant la pandémie seraient des femmes noires. Cela dit, dans les zones métropolitaines du Canada, ce chiffre est encore plus élevé, à 28 %. Alors que la pandémie continue de se propager, les femmes noires sont représentées de manière disproportionnée dans les maisons d’hébergement du pays. 

Quand j’ai partagé ces statistiques avec Carla NetoGestionnaire de programmes chez Women’s Habitat à Etobicoke en Ontario, elle a déclaré, « Si les femmes noires avaient le pouvoir économique de choisir entre différentes options, je ne pense pas que nous en verrions autant dans les maisons d’hébergement et qu’elles y resteraient pendant de longues périodes. Lorsque nous parlons de choix et de prise de décision, nous pensons à tort que toutes les femmes ont les mêmes options – mais toutes ne sont pas créées égales. » 

La plupart des femmes noires n’ont pas les mêmes occasions que les autres groupes démographiques en raison d’une longue histoire de racisme systémique et de colonisation. Pour certaines, les maisons d’hébergement sont leur seule option pour échapper à la violence. 

Dans plusieurs régions du Canada, les femmes de couleur ne se sentent pas totalement en sécurité dans les maisons d’hébergement en raison d’une histoire de racisme institutionnalisé. Dans le sillage du mouvement BLM, de nombreuses organisations ont reconnu qu’une des solutions à ce problème consistait à offrir au personnel une meilleure formation en matière de diversité et d’inclusion. Mais après avoir échangé avec ces responsables noires, nous avons toutes conclu que la formation ne suffisait pas. Il faut adopter une approche plus humaniste et plus empathique qui inclut la réécriture de notre culture, le désapprentissage des préjugés et l’apprentissage et l’acceptation du malaise que nous ressentons lorsque nous parlons de racisme, de sexisme, d’homophobie, de classisme, etc. 

Une meilleure représentation fait partie du processus visant à faire des maisons d’hébergement un endroit plus sûr pour les femmes noires. 

Hawa Dumbuya-SesayDirectrice générale de YWCA NWT, explique que « le fait d’avoir davantage de personnes de couleur dans les maisons d’hébergement aide les femmes noires à se sentir plus en sécurité et à l’aise pour partager leurs luttes. Même si nous venons de cultures différentes, nous avons toujours quelque chose en commun en tant que personnes noires. Nous pouvons facilement comprendre l’expérience de l’autre et sympathiser avec sa situation. » 

Les maisons d’hébergement sont le reflet de notre société et, en tant que secteur créé par et pour les femmes, nous devons reconnaître que celles-ci sont diverses et ont des besoins différents. Les femmes noires qui recherchent des services ont des préoccupations particulières, comme de savoir si les maisons connaissent notre culture, notre alimentation, notre langue, notre statut d’immigration et nos besoins en matière d’hygiène. Elles craignent également qu’en cherchant de l’aide, elles perpétuent des stéréotypes négatifs sur la communauté noire. 

Aux dires de Lisa OgboleDirectrice générale d’Imani’s Place à Allison en Ontario, «l orsque ces femmes demandent de l’aide [] elles ont besoin qu’on leur montre de l’amour et qu’on ne les fustige pas et qu’on ne les considère pas comme des fraudeuses qui cherchent à obtenir des services autrement accessibles à tous. Les intervenantes doivent les aider à se sentir à l’aise et les rassurer sur leur rétablissement. De plus, nous sommes des gens uniques en leur genre; nous aimons nous faire coiffer et nous aimons la nourriture de notre pays. »

Les maisons d’hébergement doivent intentionnellement se rapprocher des communautés racisées et embaucher des femmes de couleur pour instaurer la confiance afin que les femmes noires n’aient pas à réfléchir deux fois avant de recourir à ces services vitaux. 

Les femmes noires qui sont éduquées et qui réussissent, comme celles que j’ai interviewées, sont aussi victimes de préjugés raciaux. Quelle que soit notre expérience ou nos qualifications, nos capacités sont toujours remises en question. Les professionnelles noires de ce secteur reçoivent encore des commentaires sur leur étonnante éloquence et leur niveau d’éducation. Lors des premiers contacts, il arrive souvent qu’elles ne soient pas considérées comme des gestionnaires mais plutôt perçues comme des préposées à l’entretien et des assistantes, postes habituellement occupés par des personnes de couleur.   

En réfléchissant à ce que les maisons peuvent faire, la directrice de The Redwood à Toronto, Abi Ajiboladem’a confié, « Je pense qu’un bon point de départ consisterait à faire notre propre examen et à réfléchir au rôle que nous, en tant que maisons d’hébergement, jouons dans la perpétuation de l’oppression systémique. Que ce soit par des politiques d’exclusion ou par une forte dépendance à l’égard des forces de l’ordre […]il y a une bonne raison à cette peur et à cette méfiance profondément ancrée. » 

L’une des principales conclusions de mes entretiens pendant la Semaine de l’histoire des Noirs est qu’il reste beaucoup de travail à faire et que nous devons poursuivre la conversation. Quel que soit le mois, nous devons continuellement partager les expériences des personnes Noirs et agir contre la discrimination. 

Hébergement femmes Canada s’engage à poursuivre cette conversation et à mettre en lumière les expériences des Noires dans ce secteur  nous vous mettons au défi d’en faire autant.