Kyla Tanner

L’année dernière, l’ancien directeur recherche et politiques d’Hébergement femmes Canada (HFC), Krys Maki, nous a donné un aperçu passionnant du nouveau Projet de construction de maisons de deuxième étape (MH2). Rendu possible par une généreuse subvention de 2 millions de la Slaight Family Foundation, le projet permettra à HFC de soutenir jusqu’à 16 nouvelles maisons de deuxième étape à travers le Canada sur une période de quatre ans.

Le projet est désormais bien avancé et nous avons voulu nous entretenir avec Kyla Tanner, nouvelle responsable du développement des projets d’HFC, pour avoir une meilleure idée de la façon dont les choses évoluent!

Jed Nabwangu: Bonjour Kyla! Je suis ravie de causer avec toi. Nous pourrions peut-être commencer par une présentation générale du nom unique du projet.

Kyla Tanner: Absolument! L’accent sur le logement de « deuxième étape » est issu du rapport d’HFC Briser le cycle de la violence et pallier le manque de logements, publié en 2020. Le rapport révèle un manque de logements de deuxième étape au Canada. Notre objectif consiste donc à créer davantage d’unités, ce qui correspond à la partie « nouvelles constructions ». Il serait formidable de pouvoir étendre le projet à des rénovations et des réparations, que nous savons nécessaires, mais ce projet est axé sur la création de nouvelles unités. Enfin, le terme « maisons d’hébergement de deuxième étape » indique clairement que nous nous concentrons sur ce chaînon essentiel entre l’urgence et le logement de troisième étape pour les femmes et les enfants qui fuient la violence.

JN: Comment choisissez-vous les provinces ou territoires à privilégier?

KT: Nous sommes ouvertes à soutenir des groupes partout au pays! Nous comprenons que certaines provinces disposent déjà d’un soutien opérationnel – comme le Québec et la Colombie-Britannique – et compte tenu de notre petit capacité interne, nous voulons nous assurer de consacrer autant de temps et de ressources que possible à celles qui ne reçoivent pas de soutien. Nous prévoyons assister des organisations situées dans des régions rurales, éloignées et nordiques où il est difficile d’embaucher du personnel pour aider à la gestion des projets, un service que nous offrons gratuitement dans le cadre de ce programme.

JN: Qu’avez-vous observé en termes de besoins et d’intérêts des maisons d’hébergement en lien avec le projet?

KT: Nous avons observé une disparité entre les organisations à travers le pays, certaines devant travailler beaucoup plus fort en raison d’un manque de financement opérationnel. Dans les 48 heures qui ont suivi le lancement de notre sondage, nous avons reçu plus de 50 réponses, ce qui traduit un besoin évident. La plupart des demandes proviennent d’organisations à faible population qui se trouvent à différents stades de développement du projet (par exemple, certaines cherchent de l’aide pour les demandes de subventions, d’autres pour la construction, etc.)

Un élément clé du projet est la reconnaissance du fait que la création d’un nouveau bâtiment est un travail à plein temps et que les maisons n’ont tout simplement pas les moyens nécessaires, malgré un besoin énorme d’unités supplémentaires. Cela signifie souvent qu’il faut apprendre un nouveau langage lorsqu’on s’adresse aux planificateurs municipaux, aux architectes, aux gestionnaires de construction ou au bailleur de fonds, et c’est ce à quoi nous essayons de contribuer par notre expertise. Je tiens à souligner que nous ne prenons aucune des décisions; nous sommes plutôt là pour aider les gens à comprendre quand les décisions clés doivent être prises et pour servir d’intermédiaire si nécessaire.

JN: Pourquoi une initiative telle que le projet de construction de maisons d’hébergement de deuxième étape est-elle nécessaire? Où se situent les maisons de deuxième étape dans l’éventail des aides à la lutte contre la VFF?

KT: Souvent, le continuum des logements abordables peut être considéré comme assez linéaire, les maisons de première étape étant un extrême et les logements permanents l’autre. Les logements de deuxième étape suivent généralement les maisons de première étape sur ce continuum. Il s’agit de logements de transition destinés spécifiquement aux femmes et aux enfants qui fuient la violence. Ils doivent donc inclure dans leur création les soutiens et les dispositifs de sécurité nécessaires. Nous savons toutefois que ce continuum linéaire ne reflète pas toujours la réalité. Par exemple, certaines personnes doivent prolonger leur séjour dans une maison de première étape en raison du manque de disponibilité de logements de deuxième étape et de logements abordables. S’il est tout à fait normal que les gens prennent tout le temps nécessaire dans n’importe quel scénario, nous voulons aussi atténuer certaines de ces disparités systémiques en créant davantage d’unités grâce à ce projet. Nous ne voulons pas que les gens se sentent obligés de passer par ce continuum linéaire, c’est pourquoi nous essayons vraiment de faire de la sécurité l’une de nos principales caractéristiques.

Il est prouvé que les maisons de deuxième étape sauvent des vies en offrant un soutien global et en donnant aux survivantes plus de temps et d’espace pour guérir et faire la transition vers une vie sans violence. Nous savons également qu’il n’y a pas assez de MH2 et que les organisations trouvent le processus de construction très lourd. C’est là que notre projet entre en jeu.

JN: Comment ce projet remet-il en question les modèles de financement bureaucratiques existants et rend-il l’accès aux fonds plus accessible?

KT: Même si nous allons travailler dans le cadre du modèle bureaucratique officiel, nous prévoyons également plaider pour le des changements. Notre équipe est surtout familière avec les processus de demande, mais le travail ne s’arrête pas là. Une fois le financement acquis, il faut respecter les délais et embaucher du personnel pour que les conditions puissent être remplies. Nous visons à aider les maisons à répondre à toutes les exigences afin que les organisations puissent se concentrer sur l’exploitation de leurs logements existants.

En termes de plaidoyer, la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) a essayé de rationaliser ses demandes, mais le processus pourrait être encore amélioré. Nous voulons également faire pression pour plus de changements dans les phases qui suivent. Qu’il s’agisse d’atténuer le risque auquel les organisations sont confrontées en essayant de remplir les conditions ou de remettre en question les conditions préalables telles que l’obligation pour les maisons de contracter une hypothèque pour pouvoir bénéficier d’un financement, nous voulons mettre tous ces enjeux sur la table. Grâce à la relation de longue date entre HFC et la SCHL, je suis convaincue que notre plaidoyer peut avoir un impact.

JN: Quel est, selon vous, le principal objectif qu’HFC espère atteindre avec ce projet?

KT: Le principal objectif consisterait à soutenir plus de 16 maisons d’hébergement à travers le pays, pendant plus de quatre ans. Si nous sommes en mesure de continuer à fournir ce type de service aux maisons indéfiniment, cela répondrait à un besoin urgent et persistant. Nous souhaitons également poursuivre nos activités de plaidoyer et inspirer un changement systémique. Les femmes et les enfants qui subissent la violence ne méritent rien de moins.

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Pour plus d’informations, visitez la page web du Projet de nouvelle construction de MH2 ou contactez Kyla à ktanner@endvaw.ca

Cette interview a été modifiée pour des raisons de longueur et de clarté.