Au début du mois de mars 2024, Meghan Tibbits-Lamirande a relaté l’occupation féministe du Nellie’s Hostel. Son travail a permis de documenter l’activisme précoce qui a eu lieu au Nellie’s en 1976, lorsque le personnel et les résidentes se sont organisées pour résister aux réductions de financement et de services. Leur action visait à résoudre les problèmes suivants: les femmes qui doivent quitter par manque de place ou de moyens financiers; celles qui doivent partir parce qu’elles ont atteint la durée maximale de séjour; la nécessité de créer davantage de logements pour les femmes; la surpopulation dans les MH, qui incite les femmes à retourner dans une situation de violence ou à devenir sans-abri; et le besoin de financement pour couvrir le fonctionnement des MH.

Bien que cette liste ait été rédigée en 1976, elle aurait pu l’être en 2024. Nous continuons à plaider en faveur d’un plus grand nombre de places dans les MH, d’un financement adéquat des opérations et de la construction de logements plus abordables. Comment se fait-il qu’après 50 ans, les MH soient confrontés aux mêmes défis et que les femmes fuyant la violence luttent toujours pour survivre?

Je ne veux pas minimiser les progrès réalisés. Depuis les années 1970, les femmes exposées à la violence ont acquis de nombreux droits. Non seulement la violence est-elle mieux comprise aujourd’hui, mais la violence conjugale n’est plus considérée comme un problème totalement privé. Les MH, ainsi que les organisations qui plaident en faveur de la justice de genre, ont attiré l’attention du grand public sur ces enjeux et contribué à de nombreuses réformes juridiques et politiques.

Malgré les progrès réalisés, nous avons constaté une augmentation des taux de refus, notamment en raison de la violence croissante liée à la pandémie. En une seule année, en Alberta, plus de 11 000 demandes d’hébergement n’ont pu être satisfaites en raison de contraintes de capacité. Les femmes restent également plus longtemps dans les MH, car la crise du logement a rendu incroyablement difficile la recherche d’un logis abordable. Les survivantes et le personnel des MH craignent que, faute d’options abordables, les femmes retournent auprès de leurs agresseurs ou se retrouvent sans-abri.

La situation du personnel n’a pas beaucoup évolué au cours des 50 dernières années. Mme Tibbits-Lamirande a indiqué que la faiblesse des salaires, la charge de travail, les heures supplémentaires et le manque de personnel représentaient déjà des défis en 1976. Notre récente Étude sur l’exode des cerveaux féministes a révélé que bon nombre de ces problèmes continuent d’affecter le personnel et les organisations aujourd’hui. Notre sondage a indiqué que 66% des répondantes non-cadres déclaraient gagner moins de 50 000$ par an en 2022.

Les MH de tout le Canada accomplissent un travail formidable depuis plus de 50 ans. Imaginez ce que nous pourrions réaliser si nous ne nous battions pas chaque jour pour obtenir des fonds afin de couvrir le fonctionnement de base et les salaires. Si les gouvernements veulent s’attaquer sérieusement à la violence fondée sur le genre, ils doivent stabiliser le secteur antiviolence afin que nous puissions continuer à effectuer ce travail qui sauve des vies.

J’espère que, dans 50 ans, nous ne nous demanderons pas pourquoi si peu de choses ont changé.

Robyn Hoogendam est responsable de la recherche et des politiques chez HFC