Aline Mananda (gauche) et Tracy Myers (droit)

En mars 2023, Hébergement femmes Canada (HFC) a offert une formation PEACE pour les enfants et les jeunes du Canada à Iqaluit, au Nunavut. Les animatrices de PEACE, Tracy Myers et Aline Mananda, ont échangé avec Jed Nabwangu (coordinatrice communication) et Chandra Saha (coordinatrice échange de connaissances) au sujet de leurs aventures mémorables lors des sessions sur le pouvoir transformateur du rassemblement.

Chandra: Au début de l’année, vous avez animé une formation PEACE en personne à Iqaluit. Pouvez-vous me parler de cette expérience et de ce qui vous a marqué?

Tracy: La rencontre et la présence des équipes de la BC Society of Transition Houses (BCSTH) et d’HFC ont été formidables. Avec la formation en personne, nous avons pu discuter à la pause-café, nous asseoir à côté de nos collègues, les entendre respirer et les entendre pleurer. Vous êtes dans la pièce lorsque l’émotion est exprimée, au lieu de regarder des personnes dans de petites boîtes sur votre écran!

Un moment qui m’a marqué est celui où l’une des participantes a tapé des mains sur la table en s’exclamant: «Ça prend trop de temps pour sortir une femme en danger de son environnement! Que pouvons-nous faire maintenant?» Son appel à l’action qui venait du cœur nous a incitées à faire une parenthèse pour nous plonger dans une discussion sur de vraies questions impliquant des injustices et des héritages coloniaux profondément enracinés. Nous n’aurions probablement pas eu cette occasion en ligne.

Aline: La même participante était visiblement émue après avoir vu Tracy animer une autre séquence sur l’utilisation de marionnettes avec des enfants, en déclarant: «J’aimerais être l’un de ces enfants à qui vous avez parlé.

Cela m’a profondément touchée, car cela m’a rappelé que notre travail n’est pas seulement destiné aux enfants, mais aussi aux stagiaires.» Ces intervenantes de première ligne peuvent transmettre aux enfants et aux femmes de leur communauté l’apaisement que leur a procuré cet exercice. Vous ne pouvez pas donner ce que vous n’avez pas – la guérison commence par vous-même.

C: Il est clair que cette expérience marquante a dépassé vos espérances et que le groupe vous a permis d’approfondir à plusieurs niveaux.

Il s’agissait également d’une véritable collaboration, et non pas de personnes du Sud se rendant dans le Nord pour transmettre des connaissances. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce que vous avez tiré de cette expérience en tant que facilitatrice et sur la manière dont cela pourrait influencer votre travail à l’avenir?

A: Les participantes m’ont beaucoup apporté. La façon dont elles servent leurs communautés m’a montré que nous ne nous limitons pas à la formation. Notre travail exige un amour profond et un dévouement sans faille.

Le contact étroit avec leur réalité, si différente de ma vie citadine, m’a ouvert les yeux. Le dynamisme de la culture et la créativité avec laquelle on intègre les enseignements ont été une source d’inspiration. Je n’oublierai jamais les relations et la sagesse que j’y ai rencontrées. Ce que j’en retiens, c’est que la passion et l’objectif viennent en premier. Le reste suivra.

T: Nous savons comment nous soutenir mutuellement en tant que femmes – les participantes ont fait preuve de cette sagesse qui se traduit par une réelle symbiose. Ce que j’en tire, c’est que nous pouvons créer des révolutions grâce au pouvoir de nos relations.

Jed: En novembre dernier, HFC a organisé un événement intitulé Symposium sur l’Exode des cerveaux féministes. La question de savoir si nous sommes un secteur ou un mouvement a été un thème récurrent. À votre avis, est-il utile de faire la distinction entre les deux et cette rencontre a-t-elle éclairé ou influencé votre façon de voir les choses?

T: Je retiens que ce sont les relations, et non l’information, qui déclenchent les révolutions et la justice comme agent catalytique. À l’origine, le mouvement visait à renverser fondamentalement les systèmes qui favorisent la violence fondée sur le genre. L’accent n’était pas mis sur notre habileté à calmer notre système nerveux. Pendant cette formation, j’ai senti une flamme se rallumer lorsque cette participante a frappé son poing avec colère et refusé d’accepter le statu quo. Nous avons besoin d’entretenir ce feu sacré pour alimenter le changement individuel et collectif.

Le plus important a certainement été de se voir en personne et de sentir notre pouvoir collectif. Je veux aider les gens à redécouvrir ce qui les a amenés à faire ce travail, pourquoi il faut continuer d’œuvrer au changement, et comment même les plus petits gestes peuvent entrainer de véritables transformations. Cette expérience m’a donné de l’énergie et l’envie de renouveler mon engagement pour rappeler aux cœurs fatigués leur potentiel révolutionnaire. Ensemble, nous pouvons rendre possible ce qui semble impossible.

A: Je suis d’accord. Ce sont les liens et le fait d’être ensemble qui favorisent la guérison. Cette expérience m’a rappelé qu’en tant que femmes et formatrices, nous nous perdons parfois dans la philosophie et l’information venant d’en haut. Ce dont les personnes dans les maisons d’hébergement ont besoin, c’est d’un minimum de compassion, d’écoute et de compréhension. Cette attitude a ravivé ma passion et m’a rappelé que nous devons sans cesse revenir à l’essentiel. Je retiens surtout que les relations guérissent, que la vérité nous libère et que l’amour est toujours la révolution.

Restez à l’affut pour la deuxième partie!

Cet entretien a été édité pour des motifs de longueur et de clarté.