Comme ce fut le cas pour plusieurs d’entre vous, vendredi le 13 mars 2020 a été notre dernière journée normale au bureau. Ensuite, nous nous sommes efforcées de travailler à domicile pour nous-mêmes, pour nos proches, et pour les femmes et les enfants vivant avec la violence, un cheminement empreint d’incertitude et de crainte.
Les maisons d’hébergement du pays ont soudainement été propulsées dans une nouvelle réalité. Elles ont dû réduire le nombre de places pour les femmes et leurs enfants, alors qu’elles peinaient déjà à subvenir aux besoins des survivantes. Le personnel revenant de voyages faits en mars a dû s’isoler, tandis que d’autres ont soudainement dû s’adapter au fait que leurs enfants n’iraient pas à l’école. Les maisons ont dû adopter de nouvelles routines de nettoyage rigoureuses, répertorier l’utilisation de zones communes et installer des barrières en plexiglas. Les masques, le désinfectant pour les mains et l’équipement de protection individuel faisaient cruellement défaut en raison de pénuries.
Au milieu de tout cela, de nombreuses maisons ont vu leurs demandes d’admission se tarir, leurs téléphones cesser de sonner. Ce sinistre silence était pire qu’un taux d’appels élevé, car il signifiait que les femmes ne pouvaient plus demander d’aide alors qu’elles étaient coincées à la maison avec leurs agresseurs. Elles n’avaient plus le trajet pour aller au travail, la marche pour se rendre à l’école, ou le magasinage, pour saisir l’occasion de nous joindre par téléphone. Elles étaient isolées de leur entourage et de leur famille en raison d’une crise mondiale de la santé publique. Elles se sentaient plus seules que jamais.
Le rapport annuel Les maisons s’expriment d’HFC s’est penché sur l’impact de la Covid-19 sur les maisons d’hébergement. Les données ont confirmé une augmentation de la fréquence et de la gravité des cas de violence conjugale pendant la pandémie.
L’histoire se souviendra de 2020 comme d’une année de bouleversements et de deuil, qui a commencé avec la destruction du vol 752 de la Ukraine International Airlines au départ de Téhéran, a vu la fusillade de masse la plus meurtrière du Canada en Nouvelle-Écosse, et se termine avec les taux d’infection de COVID-19 les plus élevés que l’on ait connus durant toute la pandémie.
Mais cette crise mondiale nous a aussi montré ce dont nous sommes capables. Nous avons vu des maisons d’hébergement pivoter, en s’adaptant rapidement aux nouvelles restrictions et à la réalité de la COVID-19, protégeant les femmes et les enfants à la fois du virus et de la violence. Les maisons d’hébergement ont trouvé des idées uniques pour les sites d’isolement, la collecte de fonds en ligne et l’école en ligne pour les enfants. Les médias ont publié d’innombrables articles sur le travail des maisons d’hébergement et l’impact de la COVID-19 sur la violence faites aux femmes. Des organisations et des particuliers ont tendu la main en faisant des dons en vue d’assurer la sécurité des femmes et des enfants.
HFC a aussi vécu de nombreux moments inspirants en 2020. Nous avons reçu plus de dons en espèce que jamais. Des entreprises comme L’Oréal et H&M ont donné du matériel aux maisons partout au pays. Nous avons reçu une subvention de 4,5 millions de la Fondation Rogers, dont la moitié a été distribuée aux associations provinciales et territoriales qui sont nos membres à part entière. Nous avons élargi notre programme d’échange de connaissances pour y inclure nos fameux webinaires mensuels.
L’événement le plus significatif pour HFC cette année a peut-être été notre partenariat avec le ministère Femmes et Égalité des genres Canada (FEGC). FEGC nous a contactées dès le début de la pandémie pour voir si nous pouvions distribuer des fonds fédéraux directement aux maisons d’hébergement partout au Canada. HFC n’est pas une organisation de financement; nous travaillons pour soutenir les maisons par le biais de programmes, de recherche et de plaidoyer. Pour la toute première fois dans la courte histoire de notre équipe de cinq personnes, nous allions distribuer des millions de dollars à des centaines de maisons d’un océan à l’autre.
Et nous l’avons fait, nous savions que nous pouvions relever le défi. Nous avons redoublé d’efforts, mis des heures supplémentaires, traversé quelques nuits blanches — et nous avons versé 20,5 millions à plus de 400 maisons au printemps. Nous sommes actuellement dans un processus similaire avec la somme supplémentaire de 17,5 millions, en travaillant dur pour que l’argent parvienne aux comptes bancaires des maisons avant la fin de l’année. Nos efforts ont récemment été présentés à l’émission The National sur la chaine CBC (en anglais).
Nous ne savons pas ce que nous réserve 2021, mais nous avons de l’espoir. Grâce aux multiples vaccins, au financement d’urgence des maisons, à la sensibilisation accrue du public, ainsi qu’a à la résilience et au courage des femmes et des enfants fuyant la violence, on peut enfin apercevoir la lumière au bout du tunnel. Nous continuerons à travailler pour mettre fin à la violence faite aux femmes au Canada, et nous espérons pouvoir compter sur votre soutien dans cette démarche.
Merci et bonne année.
Photo: Glen Carrie sur Unsplash