Hébergement femmes Canada (HFC) et le National Aboriginal Circle Against Family Violence (NACAFV) collaborent à un nouveau projet de recherche qui explore le financement que reçoivent les maisons d’hébergement contre la violence faite aux femmes (VFF) et la violence faite aux femmes autochtones (VFFA) et qui en identifie les lacunes et les disparités. Dans cette interview, Krys Maki (responsable de la recherche et des politiques chez HFC) et Anita Olsen Harper (chercheuse au NACAFV) nous en disent plus sur leur nouveau projet et sur ce qu’elles espèrent réaliser grâce à cette recherche.
HFC: Pour commencer, pouvez-vous nous parler un peu du projet et de sa conception?
Krys: Les maisons d’hébergement sont financées de différentes manières à travers le pays. Alors que la plupart reçoivent leur financement opérationnel de leur gouvernement provincial ou territorial respectif, celles qui sont situées dans les réserves des Premières Nations sont financées par le ministère fédéral Services aux Autochtones Canada (SAC). Depuis plusieurs années, NACAFV et HFC entendent dire par leurs membres qu’il existe des différences entre les maisons d’hébergement financées par les gouvernements provinciaux/territoriaux et celles financées par SAC, mais nous n’avions pas de données concrètes pour le confirmer. NACAFV nous a proposé de collaborer à un projet visant à étudier ces écarts de financement et de faire la lumière sur les inégalités. Nous nous réjouissons de participer à ce projet de recherche de trois ans, qui comprend un sondage national et des entrevues dans un objectif de défense des droits.
HFC: C’est vraiment intéressant. Alors, que savons-nous des disparités de financement?
Anita: Les rares recherches dans ce domaine indiquent que les maisons d’hébergement situées dans les réserves ou financées par SAC reçoivent moins d’argent que celles financées par les provinces ou les territoires. En 2005, l’Alberta Council of Women’s Shelters (ACWS) a constaté que les maisons d’hébergement de l’Alberta financées par le gouvernement fédéral ont reçu collectivement un total de 1,05 million de dollars de moins que ce qu’elles auraient reçu si la province les avait financées. En 2020, une étude similaire menée au Manitoba a conclu que le Programme pour la prévention de la violence familiale (PPVF) de SAC recevait un financement inférieur à celui de son homologue provincial. Pour obtenir des chiffres précis, la recherche a dû utiliser les processus d’accès à l’information, puisque les PPVF fédéral et provincial n’ont pas répondu aux questions directes.
HFC: Vous avez mentionné que les chercheuses ont dû recourir à des demandes d’accès à l’information. Pouvez-vous nous en dire plus sur les difficultés rencontrées pour recueillir des informations sur les disparités de financement?
Anita: En 2019-2020, une étude de parité des allocations des PPVF fédéral et provincial des maisons d’hébergement dans une province donnée avait pour but d’obtenir au moins une valeur monétaire approximative d’une disparité entre les deux niveaux de financement. Cet objectif fut toutefois impossible à atteindre en raison du manque de transparence, tant au niveau de SAC que de la province, sur les finances et les procédures des maisons. Peut-être que les personnes travaillant dans ces domaines ignoraient ces données et ne pouvaient donc pas répondre de manière appropriée et précise. Ou encore, le gouvernement ne veut peut-être pas que certains détails soient accessibles au public parce que ces chiffres ne donneraient pas une image positive du ministère. Après tout, si les faits et les chiffres du gouvernement donnaient une image positive, ces informations devraient être facilement accessibles. Nous allons poursuivre notre travail parce que tout le financement des maisons d’hébergement provient des contribuables et que cette information devrait être publique.
HFC: HFC et NACAFV travaillent ensemble sur ce projet. Pouvez-vous nous parler des aspects collaboratifs de ce projet, et de ce qui le rend unique?
Krys: La collaboration est une question de relations. Depuis plus d’un an, nous travaillons en étroite collaboration, et chaque décision est soigneusement discutée et examinée par Anita, le comité aviseur (qui comprend les directrices générales des deux organisations) et par moi-même. Anita apporte une grande expertise et de nombreuses connaissances à la table, et je me réjouis de travailler avec une chercheuse aussi compétente. J’ai apprécié le soin que nous avons apporté à l’examen de chaque étape du projet, mais aussi la façon dont la recherche résonne avec nos objectifs de plaidoyer et de changement social positif. Par exemple, comme les modes de financement sont très différents, nous avons dû formuler les questions pour qu’elles correspondent à l’expérience particulière de chaque maison. Notamment, comme les maisons financées par SAC peuvent recevoir leur paiement d’un conseil de bande plutôt que du ministère directement, nos questions devaient refléter cette réalité. Le fait de tirer parti de la portée de nos deux réseaux nationaux aura un impact important sur le type de plaidoyer que nous serons en mesure de réaliser!
HFC: Vous avez mentionné le plaidoyer à plusieurs reprises. Qu’espérez-vous faire valoir dans le cadre de ce projet?
Anita: Au cours de la dernière année fiscale, le financement de SAC a augmenté et nous pensons que cela est dû aux efforts de plaidoyer persistants de NACAFV et d’HFC. Cependant, ni les gouvernements provinciaux ni SAC n’ont annoncé une augmentation durable des allocations pour les maisons d’hébergement. Nous espérons que la présente recherche va nous permettre de plaider en faveur d’une directive à cet effet et de l’obtenir, puisque toutes les maisons d’hébergement, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur des réserves, sont sous-financées. Nos efforts visent à améliorer radicalement la vie des femmes et des enfants vulnérables qui laissent derrière eux des vies marquées par la violence familiale.
HFC: Quel type de changement espérez-vous que ce projet puisse créer?
Anita: J’aimerais voir des formules de financement élaborées au niveau régional qui répondent de manière cohérente aux besoins des maisons d’hébergement contre la VFF et la VFFA. Les besoins varient d’une région à l’autre au Canada et il faut en tenir compte pour répondre vraiment aux besoins des diverses clientèles (p. ex. programmes et services externes adaptés à la culture).
Krys: J’espère que notre travail de plaidoyer permettra de modifier les politiques de financement actuelles afin que les maisons de SAC soient financées de manière équitable. Cela aurait de nombreux effets positifs, comme de meilleurs salaires pour le personnel et une programmation plus cohérente pour toutes les maisons sur et hors réserve. En fin de compte, cela garantirait que les personnes survivantes de violence familiale, quel que soit leur code postal, aient un accès équitable aux services.
HFC: Nous avons hâte de voir et de partager les résultats de votre travail. Merci à vous deux pour cette discussion!
Ce projet de recherche est financé par la Fondation canadienne des femmes.
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