En septembre 2020, Hébergement femmes Canada (HFC) a publié un rapport de novateur sur les maisons de deuxième étape intitulé Briser le cycle de la violence et pallier le manque de logements: Maisons d’hébergement de deuxième étape au Canada. Nommé pour le prix de la recherche communautaire du Canada en 2020, ce rapport examine l’importance des maisons de deuxième étape dans l’éventail des soutiens disponibles pour les survivantes ayant subi la violence familiale à travers le pays.
Près de deux ans plus tard, HFC lance un projet d’envergure élaboré à partir des recommandations de cette étude. Rendu possible en grande partie grâce à une subvention de 2 millions de la Slaight Family Foundation, le projet de quatre ans permettra HFC de soutenir le développement de 16 nouvelles maisons de deuxième étape VFF au Canada.
Krys Maki, responsable de la recherche et des politiques, dirige cette initiative de maisons de deuxième étape d’HFC. La coordonnatrice des communications, Jed Nabwangu, s’est entretenue avec Krys au sujet de ce nouveau projet.
Jed Nabwangu: Pouvez-vous décrire la nature du projet que la subvention de 2 millions de la Slaight Family Foundation permettra de financer?
Krys Maki: Cette subvention de 2 millions facilitera la création de maisons de deuxième étape dans tout le pays, dans le but précis de réduire les obstacles auxquels nombre de ces maisons sont confrontées.
D’après nos recherches, nous savons que de nombreuses organisations de première étape sont intéressées par la création de maisons de deuxième étape, mais le processus est souvent compliqué et nécessite beaucoup de ressources et d’expertise en matière de logement que notre secteur n’a tout simplement pas pour le moment. Ce projet vise à faciliter l’accès au financement et aux ressources fédérales actuellement disponibles par le fonds de co-investissement à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL).
Nous allons également embaucher une responsable pour superviser ce projet et veiller à soutenir les maisons qui veulent aller de l’avant.
JN: Pourquoi ce programme est-il si important?
KM: En 2017, la Stratégie nationale sur le logement (SNL) a engagé 25% de son budget global en faveur des femmes et des enfants fuyant la violence via son fonds de co-investissement. Pourtant, de manière anecdotique et grâce aux données limitées fournies par le gouvernement, nous savons que la nature complexe et bureaucratique du processus empêche les maisons d’hébergement d’accéder à ces fonds.
Ce projet vise notamment à réduire ces obstacles et faciliter le processus afin de pouvoir construire jusqu’à 16 maisons de deuxième étape dans des zones à besoins élevés. C’est également un moyen de tenir le gouvernement responsable de distribuer des fonds promis qui ne sont pas facilement accessibles, tout en adressant une énorme lacune dans sa capacité à soutenir notre secteur.
JN: Pourquoi les maisons ont-elles besoin de ce projet pour lancer des initiatives de logement de deuxième étape?
KM: La demande initiale de fonds de co-investissement de la SNL comportait plusieurs conditions qui la rendaient inaccessible. Par exemple, les maisons devaient fournir un capital initial de 5 à 25% ainsi qu’une ventilation du cofinancement en capital et opérationnel, une preuve d’acquisition du terrain, un zonage approuvé et l’approbation d’un autre palier de gouvernement. Autrement dit, l’ensemble du projet devait être tout à fait prêt à être mis en œuvre.
Nous savons que notre secteur est particulièrement poussé dans ses retranchements et que la capacité de réaliser ce travail n’existe tout simplement pas. Sans compter la concurrence avec le secteur privé et les promoteurs qui possèdent les ressources nécessaires pour présenter une excellente demande répondant à tous les critères.
Il est tout aussi décourageant et important de noter que même lorsque les maisons cochent toutes les cases, elles se heurtent à une résistance. Par exemple, une maison d’hébergement nous a fait savoir qu’elle avait pu remplir entièrement sa demande, mais qu’elle s’était heurtée à un obstacle lorsque les représentants de la SCHL ont déclaré qu’ils ne comprenaient pas les besoins inhérents à la conception des maisons d’hébergement de deuxième étape (par exemple, planification de sécurité, espaces communs, structures tenant compte des traumatismes, etc.)
Nous nous réjouissons de constater les changements apportés par la nouvelle initiative de la SCHL pour les maisons d’hébergement (automne 2021-printemps 2022). La SCHL nous a annoncé à l’automne 2021 qu’elle lançait un financement de 250 millions en co-investissement pour de nouvelles constructions et des réparations. S’appuyant sur les recommandations formulées dans nos rapports, elle nous a expliqué comment elle réduisait les obstacles dans le processus de demande et reconnaissait les besoins spécifiques des maisons d’hébergement en matière d’espaces et de conception. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec leur équipe de direction pendant le déploiement et pour s’assurer d’une expertise VFF à la table de négociations. En février, HFC a organisé une session de formation VFF 101 avec l’équipe responsable de l’évaluations des demandes afin de présenter le contexte de notre secteur et ses défis, et réitérer l’importance de l’expertise VFF et de celle tenant compte des traumatismes.
JN: Pourquoi l’hébergement de deuxième étape est-il essentiel pour les femmes et les enfants qui fuient la violence? Comment comble-t-il le fossé entre l’hébergement d’urgence et le logement permanent?
KM: Les maisons de deuxième étape sont nées du constat qu’après un séjour en maison d’hébergement, de nombreuses femmes devaient retourner chez leur agresseur ou se retrouvaient sans abri en raison du manque de logements sécuritaires et abordables. L’hébergement de deuxième étape est important dans le continuum de soutien aux survivantes, car nous savons que le moment où une femme tente de quitter une situation de violence est souvent le plus dangereux pour elle. Les séjours en maison de première étape étant temporaires, ils ne laissent pas assez de temps pour trouver des solutions à plus long terme, comme la demande d’aide sociale ou la recherche d’un logement.
Pour de nombreuses femmes, la deuxième étape est une bouée de sauvetage qui leur apporte un soutien tangible pour se reconstruire et prendre le temps nécessaire pour guérir. Bien que certaines personnes n’en aient pas besoin et soient prêtes à se réintégrer après un séjour en maison d’hébergement, pour d’autres, c’est un passage obligé pour briser le cycle de la violence et prévenir le sans-abrisme.
JN: Ce projet aura-t-il une incidence sur le manque actuel de maisons de deuxième étape dans les régions rurales et éloignées?
KM: Oui, nous ciblerons particulièrement les communautés rurales, éloignées et nordiques qui sont confrontées à des disparités d’accès aux ressources, ainsi que les régions où il n’existe actuellement aucun financement provincial pour ce type d’hébergement, comme l’Ontario, la Saskatchewan et Terre-Neuve-et-Labrador.
JN: Pouvez-vous donner un aperçu de ce programme au cours des quatre prochaines années?
KM: La première année sera consacrée à la mise en place des fondations du programme en informant les gens par le biais de la sensibilisation et du recrutement, ainsi qu’à l’embauche d’une gestionnaire.
Nous voulons que le programme offre un soutien pratique qui aide les maisons à accéder aux fonds de co-investissement et fournisse un financement initial pour rencontrer des spécialistes et mener des études de marché du logement. Notre gestionnaire travaillera en étroite collaboration avec les parties prenantes tout au long de leur processus de candidature.
Le processus sera différent d’un cas à l’autre, car chaque communauté a ses besoins uniques qui créent un amalgame de délais, de défis et de forces, notre approche étant précisément basée sur ces dernières.
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Pour plus d’informations sur le programme, consultez notre site web au cours des prochains mois. Ne manquez jamais une mise à jour en vous inscrivant à notre bulletin ici.
Cette interview a été modifiée pour des motifs de longueur et de clarté.
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