Pour plusieurs femmes fuyant la violence et leurs enfants, le chemin vers un logement sécuritaire et abordable devient de plus en plus difficile – et dans de nombreux cas, c’est un parcours qui ne mène nulle part. La violence entre partenaires intimes (VPI), une épidémie qui ne cesse de s’aggraver, est l’une des principales causes du sans-abrisme chez les femmes. Chaque jour, des milliers de familles, de femmes et d’enfants sont contraints de chercher refuge pour échapper à la violence. Mais que se passe-t-il lorsque la maison d’hébergement (MH) locale n’a plus de place pour les accueillir? Les MH de notre réseau ne sont pas en mesure de répondre à la demande croissante d’hébergement et de services d’urgence dans leurs communautés.
Le Canada connaît une crise du logement sans précédent qui rend encore plus difficile la recherche de logements sécuritaires et abordables pour les femmes qui fuient la violence. Selon le dernier rapport national d’Hébergement femmes Canada, Les maisons s’expriment 2024: Une crise dans une crise, 97% des MH ont signalé qu’au cours de l’année écoulée, il était devenu plus difficile de trouver un logement pour les femmes fuyant la violence et leurs enfants. Le manque de logements abordables entraîne souvent des séjours prolongés dans des MH d’urgence ou, pire encore, l’obligation de choisir entre le retour au domicile de l’agresseur et le sans-abrisme. C’est un choix que personne ne devrait devoir faire.
La crise du logement et l’épidémie de violence fondée sur le genre sont intrinsèquement liées, créant un schéma cyclique où chacune aggrave l’autre. Pour briser ce cycle, il faut une solution intentionnelle: la création d’espaces sécuritaires plus abordables.
C’est là qu’interviennent les logements de deuxième étape. Les MH2 ont été créées pour combler le fossé entre l’hébergement d’urgence et le logement permanent en offrant non seulement un logement abordable, mais aussi un programme complet de lutte contre la violence conçu pour aider les femmes et les enfants à faire la transition en toute sécurité vers une vie sans violence. Une MH2 est plus qu’un simple logement – c’est un service vital qui combine des conditions de vie stables avec les outils, les ressources et le soutien continu nécessaires à la guérison et à l’indépendance à long terme.
Mais lorsqu’il s’agit de construire des MH2 pour les femmes et leurs enfants fuyant la violence, les organisations sont confrontées à des obstacles uniques qui les empêchent de bâtir et de s’étendre. De nombreuses sources de financement sont hors de portée; par exemple, les investissements disponibles pour le développement de logements sont très compétitifs en raison des besoins énormes dans tout le pays. Le nombre de demandes de subventions pour des logements abordables a toujours été quatre ou cinq fois supérieur à l’offre, soulignant le manque criant de ressources pour construire davantage de logements abordables, non seulement pour les MH, mais aussi pour tous les fournisseurs de logements.
Il est très difficile d’obtenir des fonds et la plupart des programmes de subventions ne sont pas conçus pour les projets de MH2 qui sont généralement plus onéreux. Dans les faits, la construction de logements de deux, trois ou quatre chambres pour une famille entière coûte plus cher que celle de logements d’une chambre ou de studios. Il s’agit également d’initiatives comportant moins d’unités dans un bâtiment; ce ne sont pas des immeubles d’habitation de 100 unités sur plusieurs étages. Par définition, les MH2 ont besoin d’espace supplémentaire pour faciliter la mise en œuvre de programmes importants qui aident les femmes et leurs enfants à se remettre de la violence et à en sortir. Ces espaces, tels que les aires de jeux pour enfants, les locaux communautaires avec cuisine et les salles de culture et de prière, ne génèrent pas de revenus locatifs, ce qui rend les projets plus coûteux à construire et à entretenir. Ainsi, lorsque les programmes de financement comparent des pommes et des oranges, les projets de MH2 ne peuvent pas rivaliser.
Enfin, les programmes de prêts ne sont pas toujours une option viable. Certaines MH reçoivent de l’argent de leur gouvernement provincial ou territorial pour couvrir les frais de fonctionnement quotidiens. Si ce financement n’est pas suffisant, ou absent au départ, les MH doivent récolter des fonds supplémentaires par le biais de collectes de fonds pour garder leurs portes ouvertes. Il ne leur reste donc que peu ou pas d’argent pour payer un prêt hypothécaire en plus de leurs dépenses opérationnelles régulières. C’est pourquoi les subventions, qui ne doivent pas être remboursées, sont si importantes pour les projets de MH2.
En raison de toutes ces contraintes, les MH sont souvent obligées de recourir à un ensemble de sources de financement disparates – 25 000$ par-ci, 100 000$ par-là – pour financer un projet de plusieurs millions de dollars. En plus de compliquer le processus, cette approche dispersée prend aussi beaucoup de temps et d’efforts. Pour les organisations d’hébergement qui sont déjà à bout de souffle et qui font un travail de sauvetage, ce processus fragmenté est un énorme obstacle à l’expansion du continuum de logement au rythme nécessaire pour répondre à la demande croissante.
Pour faire une réelle différence, tous les paliers de gouvernement doivent comprendre les défis uniques auxquels sont confrontées les MH et prendre des mesures pour fournir un financement qui soutienne la création d’un plus grand nombre de logements de deuxième étape. Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un programme de financement de l’investissement dédié aux MH, ou réserver une partie des fonds existants spécifiquement pour les organisations de femmes qui construisent des MH2. Parallèlement, les gouvernements provinciaux et municipaux doivent faire leur part. Ils doivent fournir des fonds d’investissement et de fonctionnement, et proposer des terrains gratuits ou abordables. Ce soutien est essentiel pour aider les MH à construire et à entretenir ces logements qui sauvent des vies.
Ensemble, ces efforts peuvent permettre de créer des foyers sécuritaires et solidaires pour les femmes dans le besoin, leur donnant ainsi la possibilité de se construire un avenir plus radieux et libre de violence.
Megan Golfetto, coordinatrice de projet d’HFC