En mars 2023, Hébergement femmes Canada (HFC) a offert une formation PEACE pour les enfants et les jeunes du Canada à Iqaluit, au Nunavut. Il y a quelques semaines, nous avons publié la première partie d’une conversation spéciale avec les animatrices de PEACE, Tracy Myers et Aline Mushyitsi. Voici la suite de cette conversation, menée par Chandra Saha, coordinatrice de l’échange de connaissances d’HFC.
Chandra: En sortant d’une période d’isolement due à la COVID-19 et en arrivant dans un contexte de formation en personne, avez-vous rencontré des difficultés inattendues? Comment vous êtes-vous adaptées et comment cela pourrait-il influencer vos futures sessions de formation PEACE?
Aline: L’un des plus grands défis a été le Wi-Fi très lent et limité dans le Nord qui a affecté la qualité de nos services. Malheureusement, les bagages de Tracy, qui contenaient tous nos accessoires et notre matériel de formation, ont été égarés dans le transport, ce qui nous a obligées à nous adapter et à improviser.
Je me suis également sentie mal à l’aise après la formation, car je me demandais: Et maintenant? Une partie de moi craint que nous n’ayons trahi nos collègues du Nord et les femmes et les enfants qu’elles servent en parachutant une nouvelle approche, en faisant miroiter l’inspiration et la connexion, puis en disparaissant. J’espère de tout cœur que nous avons commencé quelque chose.
Tracy: Aline, je n’ai pas perdu mes bagages, c’est la compagnie aérienne qui ne les a pas livrés! (Rires) Le problème est que la compagnie aérienne pratique des tarifs excessifs et fait ce qu’elle veut puisqu’elle a le monopole dans cette région isolée.
En outre, je n’avais pas pleinement anticipé les différences linguistiques et culturelles. Le fait de ne pas avoir d’interprète lorsque nous abordions des sujets complexes tels que le racisme et la suprématie blanche nous a causé beaucoup de difficulté. Pour ce qui est de l’avenir, le suivi virtuel de cette cohorte sera très compliqué à cause du manque d’accès technologique dans le Nord.
C: En réfléchissant à des formations telles que PEACE organisées dans des communautés rurales, éloignées et nordiques, quel serait selon vous l’impact de ce type de formation pour le personnel isolé confronté à de tels enjeux?
A: Les connaissances couvertes par la formation sont précieuses, mais le pouvoir des liens entre membres du personnel des communautés rurales et nordiques est profond. Pour le personnel antiviolence, les liens humains ravivent la passion, alimentent notre raison d’être et nous plongent dans la résolution créative de problèmes. Si j’espère que nos outils serviront aux gens, mon plus grand espoir est que les relations qui ont été tissées nourrissent profondément les esprits et les soutiennent. Même si une seule personne se sent moins seule après la formation, je considère que c’est une réussite éclatante.
T: Au fond, PEACE nous apprend à répondre aux personnes avec dignité, bienveillance et présence – un baume de guérison, alors qu’on les a laissées pour compte. PEACE nomme des réalités injustes: manque de logements, salaires insuffisants, aide juridique, racisme, etc. Les intervenantes dans des communautés éloignées tiennent compte de la douleur spirituelle et sont souvent le seul soutien au milieu de profondes lacunes systémiques.
PEACE enseigne qu’il suffit de recevoir les gens avec dignité, de servir un thé par exemple, et de dire: «Ça me fait plaisir de vous voir.» Les petits gestes d’amour ont le pouvoir de contrebalancer les traumatismes. L’amour dissipe la crainte et permet la création de liens entre les personnes. Alléger la solitude peut s’avérer un moyen d’amorcer la guérison.
C: Nous espérons que le fait d’amplifier les voix et les réalités de communautés isolées permettra de mettre en valeur leur incroyable potentiel. Avant de conclure, avez-vous quelque chose à ajouter?
A: L’expérience a été à la fois puissante et émouvante. C’est difficile à exprimer avec des mots. Cela m’a rappelé pourquoi je travaille dans le secteur. Je ne veux pas être l’une de ces facilitatrices qui arrivent en avion et qui laissent les gens en plan. Je veux collaborer de manière proactive avec la communauté dans l’espoir qu’il en découle des changements durables, en plantant des graines pour que les générations futures puissent récolter les fruits.
Tracy: Ce projet d’envergure nationale m’inspire beaucoup d’humilité et de gratitude. Raconter nos histoires est important; car cela nous pousse à agir. Je tiens également à souligner l’incroyable force, l’intelligence et la bonne humeur de l’équipe de femmes qui a été constituée dans le cadre de ce programme. Je me suis sentie accueillie dans cette sororité et nous sommes devenues de vraies amies, et pas seulement des collègues de travail. Je suis très reconnaissante de ces liens qui nourrissent l’âme et je veux continuer à mettre en lumière des réalités qui passent inaperçues. C’est un honneur de jouer un petit rôle dans cette œuvre d’amour qui nous survivra. Les vagues continuent de rouler vers l’extérieur.
Le retour d’information que nous avons reçu sur cette formation est très proche des sentiments de Tracy et d’Aline. Les participantes ont demandée que la formation revienne à Iqaluit en 2024, ce que l’équipe PEACE est en train de faire. Nous remercions Femmes et Égalité des genres Canada, le gouvernement du Nunavut et toute notre équipe pour leurs généreuses contributions.
Cet entretien a été édité pour des raisons de longueur et de clarté.
Vous voulez en savoir plus sur PEACE ? Regardez notre interview vidéo avec Tracy et Aline ci-dessous !