Au cours des dix dernières années, le gouvernement libéral a investi des sommes importantes dans les organisations antiviolence, apporté un certain nombre de modifications législatives et lancé de nouvelles initiatives destinées à lutter contre la VFG au Canada. Pendant cette période, le ministre de la Justice a reconnu la nature épidémique de la VFG, ce qui pourrait sensibiliser l’opinion publique et accroître les investissements. Cette déclaration montre également que le gouvernement comprend la persistance et la gravité de la VFG dans notre société. Malgré les étapes importantes franchies au cours de cette période, le travail est loin d’être achevé. De nombreux autres changements législatifs sont nécessaires pour renforcer la sécurité. Nous avons besoin d’une responsabilisation et d’investissements continus en ce qui concerne le Plan d’action national sur la VFG et la Stratégie fédérale. Enfin, des niveaux de financement permanents et pandémiques sont nécessaires pour que les organisations de femmes et de promotion de l’égalité puissent soutenir les survivantes et susciter des changements sur le terrain.

Changements législatifs nationaux ayant un impact sur la VFG au Canada

Plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe (PAN)

Le PAN a été lancé le 9 novembre 2022 par Femmes et égalité des genres Canada (FEGC). Il s’agit d’un plan sur dix ans, avec un financement confirmé de 539 millions pour les cinq premières années. Les organisations antiviolence plaidaient depuis longtemps en faveur de cette mesure. Les Nations unies ont appelé tous les pays à élaborer un tel plan avant 2015.

À la fin de l’année 2023, toutes les provinces et tous les territoires avaient signé des accords bilatéraux[1] avec le gouvernement fédéral. Le programme est à mi-chemin de la deuxième année et des fonds ont été octroyés pour cette période. Un bilan doit être dressé chaque année.

Ce financement est destiné aux cinq piliers, à savoir (1) le soutien aux personnes victimes, et survivantes et à leurs familles; (2) la prévention; (3) des systèmes judiciaires réactifs; (4) la mise en œuvre d’approches dirigées par les Autochtones; et (5) une infrastructure sociale et un environnement propice. Il n’est pas nécessaire d’allouer des fonds à tous les piliers pour chaque année de l’accord. Il existe également un sixième domaine, qui se concentre sur les travaux fondamentaux, notamment la recherche, l’évaluation et la coordination du PAN. Les accords prévoient que 25% des fonds doivent être investis dans la prévention. La manière dont les fonds sont dépensés est laissée à la discrétion de la province ou du territoire, mais ils doivent être affectés à des investissements qui n’ont pas déjà été annoncés et s’inscrire dans les piliers.

Il demeure nécessaire de renforcer la redevabilité et la transparence tout au long du processus du PAN, en particulier en ce qui concerne l’affectation des fonds et les personnes consultées. Le manque de cohérence des politiques et des programmes de lutte contre la VFG dans l’ensemble du pays suscite également des inquiétudes, car les provinces et les territoires ont toute latitude pour gérer les fonds.

[1] Le Québec n’a pas signé le PAN, car il entend conserver sa propre responsabilité en matière de lutte contre la VFG. La province a néanmoins reçu des fonds fédéraux pour soutenir son Plan d’action provincial.

Stratégie fédérale de lutte contre la VFG 

La Stratégie fédérale de lutte contre la VFG a été annoncée en 2017. Il s’agit d’une approche pangouvernementale qui s’appuie sur les initiatives fédérales en cours, coordonne les programmes existants et jette les bases d’une action plus importante. Comme le PAN, elle s’articule autour d’une série de piliers. Il s’agit notamment (1) de prévenir la VFG, (2) de soutenir les personnes victimes et survivantes et leurs familles, et (3) de promouvoir un système judiciaire réactif. Le gouvernement a investi plus de 800 millions dans la Stratégie depuis 2017/2018.

Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA) 

L’enquête nationale a été annoncée en décembre 2015. Cinq commissaires ont supervisé le processus. Outre l’examen des documents, des consultations et des séances de recherche de la vérité ont été organisées avec des familles, des survivantes, du personnel de première ligne, des personnes représentant les organisations et les gouvernements autochtones, ainsi que les provinces et les territoires. Ce processus a contribué à l’élaboration d’un rapport final publié en 2019, composé de deux volumes et de 231 appels à la justice.

Stratégie nationale sur le logement

La Stratégie nationale sur le logement a été annoncée en novembre 2017. Il s’agissait d’un investissement de 40 milliards et d’une vision à dix ans. La Stratégie vise à créer 240 000 nouvelles unités de logement, réparer et rénover 300 000 logements, protéger (385 000) et augmenter le nombre (50 000) des logements communautaires, et fournir l’allocation canadienne de logement à 300 000 ménages. En outre, 25% des fonds devaient être consacrés à la satisfaction des besoins de logement des femmes et de leurs enfants.  

L’expansion de FEGC en chiffres 

Expansion de FEGC – effectifs et budget

FEGC (anciennement Condition féminine Canada) est l’un des plus importants bailleurs de fonds fédéraux pour les organisations de femmes et les organisations antiviolence depuis la création de son programme de financement en 1973. Le ministère, y compris le personnel, les bureaux régionaux et le programme de financement, a fait l’objet de coupures à partir de 2006, le financement annuel des subventions stagnant autour de 18 millions entre 2006 et 2015. Au cours de cette période, environ la moitié du financement annuel a été alloué à des initiatives de lutte contre la violence. [2]

Les figures 1 et 2 montrent la croissance des dépenses annuelles réelles de FEGC, ainsi que le nombre des effectifs en équivalent temps plein (ETP) de 2015/16 à 2023/24. [3] Au cours de cette période, les dépenses réelles du ministère se sont élevées à 1,27 milliard, dont 1,01 milliard versés à des organisations à but non lucratif, des organisations de femmes et des groupes de promotion de l’équité dans tout le pays sous forme de subventions et de contributions. Par comparaison, au cours des neuf années précédentes, les dépenses du ministère se sont élevées à 268,3 millions, dont 164,1 millions ont été distribués sous forme de subventions. Pour faire face à la croissance du travail de FEGC et à l’augmentation des subventions et des contributions, les effectifs se sont accrus au cours des dernières années. Une partie de la croissance de FEGC peut être attribuée à la pandémie et au financement substantiel qui a été distribué dans le secteur des femmes pour la période 2020-2024.

Comparé à d’autres ministères fédéraux, FEGC est relativement petit. Les ministères plus petits que FEGC sont peu nombreux, mais comprennent des organismes tels que Normes d’accessibilité Canada, la Commission canadienne du lait, la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission du droit d’auteur du Canada et la Commission du droit du Canada. Au cours de la même période, les dépenses réelles d’un ministère comme celui du Patrimoine se sont élevées à 15,6 milliards, tandis que celles d’Emploi et Développement social Canada ont atteint 1,5 billion de dollars.

Financement de FEGC – subventions et contributions allouées

Au cours de cette période, les subventions et les contributions ont augmenté par rapport aux années précédentes. Le financement des activités de plaidoyer supprimé par le gouvernement précédent a été rétabli. Les figures suivantes montrent à la fois l’augmentation globale des fonds distribués et l’augmentation des différents flux de subventions (figures 3 et 4). Au cours des neuf dernières années, plus d’un milliard de dollars ont été distribués par FEGC. La figure 5 montre le nombre d’organisations qui ont reçu un financement chaque année dans le cadre des programmes de financement de FEGC. [4] Au-delà de ces organisations, pendant la pandémie (2020-2024), 1426 organisations ont reçu un financement de FEGC, pour un montant total de 282,2 millions. [5]

Outre l’augmentation substantielle des fonds alloués aux organisations au cours de la période 2015/16-2023/24, une proportion plus élevée du budget global de FEGC a également été consacrée au financement des programmes. Pour la période 2006/07-2014/15, 61% des dépenses de FEGC ont été consacrées au financement de programmes, tandis que pour la période débutant en 2015/16, 79% des dépenses ont été affectées à des organisations.
Les organisations ont été financées par le Programme pour les femmes, créé en 1973, ainsi que par des fonds plus récents, notamment le Programme de lutte contre la VFG et le Programme pour l’égalité en matière de genre, d’orientation sexuelle, d’identité et d’expression sexuelles. La majeure partie du financement provient du Programme pour les femmes. Cette source de financement essentielle et unique a fourni plus de fonds au cours de cette période qu’elle ne l’a fait tout au long de son histoire.

De 2020/21 à 2023/24, le financement de FEGC a beaucoup augmenté, les fonds ayant presque triplé entre 2019/20 et 2020/21. Ceci est dû au financement de la réponse et du rétablissement qui a été distribué tout au long de la pandémie. Pendant cette période,

Hébergement femmes Canada et la Fondation canadienne des femmes ont distribué des fonds au nom de FEGC à des maisons d’hébergement et à des organisations de justice de genre dans tout le Canada, afin qu’elles puissent continuer à fonctionner. Grâce à ce financement, peu d’organisations de justice de genre ont été contraintes de fermer leurs portes, et des services essentiels sont restés disponibles tout au long de la pandémie et jusqu’à aujourd’hui.

[1] Le Québec n’a pas signé le PAN, car il entend conserver sa propre responsabilité en matière de lutte contre la VFG. La province a néanmoins reçu des fonds fédéraux pour soutenir son Plan d’action provincial.

[2] Hoogendam, R. (2023) Reacting to the Rise in Accountability Requirements: A Case Study of Status of Women Canada’s Women’s Program. [Thèse de doctorat, Université de Carleton]. CU Institutional Repository. https://doi.org/10.22215/etd/2023-15573

[3] Les chiffres sont tirés des rapports sur les résultats des ministères

[4] Les chiffres des subventions sont tirés des Comptes publics du Canada.

[5] FEGC. (n.d.) Soutenir les Canadiennes et les Canadiens aux prises avec la violence fondée sur le sexe pendant et après la pandémie de COVID-19 Gouvernement du Canada. https://www.canada.ca/fr/femmes-egalite-genres/financement/soutenir-femmes-enfants-victimes-violence-pendant-covid-19.html