Alors que se déroule le sommet du G7 et que les dirigeants se rencontrent pour définir les priorités de la coopération et des investissements mondiaux, il est essentiel que la justice de genre demeure au premier plan.
En mars, j’ai eu le plaisir de prendre part à la 69e session de la Commission des Nations unies sur la condition des femmes (UNCSW69) avec le réseau canadien Beijing+30. Une expérience galvanisante et enrichissante et un espace privilégié d’apprentissage collectif et de solidarité transnationale.
Merci au Réseau Beijing+30 d’avoir organisé notre délégation à l’UNCSW69 et à l’équipe de l’Institut canadien de recherche sur les femmes (ICREF), en particulier à Olivia Atsin, pour tout le travail d’organisation et leur précieux soutien. Cette expérience nous a permis de tisser des liens avec des collègues du monde entier engagées dans la lutte contre la violence et pour la justice de genre, ainsi que de renforcer les relations entre organisations canadiennes. La possibilité de participer à l’UNCSW69 a été inestimable, en particulier en cette période d’incertitudes, de reculs et de crises. Le contact de tant de féministes qui luttent en faveur des droits m’a rappelé l’ampleur des efforts locaux et mondiaux pour faire progresser la justice de genre.
Je retiendrai trois choses de l’UNCSW69: L’importance de sortir de nos silos et d’élargir notre vision, la valeur des soins collectifs et communautaires, et le pouvoir de la construction de mouvements et de la solidarité.
Sortir de nos silos
L’une des premières sessions auxquelles j’ai assisté portait sur les approches de transformation du logement en fonction du genre. Plusieurs interventions ont souligné l’importance d’impliquer les survivantes de violence dans le processus de logement, y compris la construction, la planification urbaine et le développement, ainsi que le leadership local. Les besoins des survivantes doivent absolument faire partie des processus de développement futurs. Lorsque nous travaillons dans notre propre domaine, dans mon cas la violence fondée sur le genre (VFG), nous pouvons facilement nous cloisonner. Cette session a clairement souligné l’importance de sortir de ce schéma et de voir les liens entre tous les volets de l’égalité des genres. Même si mon travail est axé sur la VFG, il n’est pas très éloigné d’un domaine tel que la promotion du leadership des femmes. Pour le G7, il s’agit de rappeler que la lutte contre l’inégalité systémique exige de faire tomber les barrières dans tous les secteurs – une invitation à adopter une approche plus intersectionnelle et intégrée.
Soins collectifs/communautaires
Si l’expérience de l’UNCSW69 a été passionnante et inspirante, elle a aussi été bouleversante. Il y a des procédures à suivre, tant de sessions parmi lesquelles choisir et un nombre infini de personnes. J’apprécie énormément le travail du réseau Bejing+30, qui a soutenu les participantes tout au long de la préparation et du séjour à New York. Le rassemblement à Ottawa et les sessions d’information virtuelles m’ont bien préparée à ce qui m’attendait. Je me suis notamment informée sur les mouvements et les acteurs de la lutte contre les droits de la personne qui sont également présents à l’UNCSW pour faire avancer leurs propres programmes. Outre le travail préalable, le fait d’avoir un réseau avec lequel entretenir des contacts réguliers a rendu l’expérience beaucoup plus concrète.
Trop souvent, dans ce travail, nous devons nous soutenir nous-mêmes et nous occuper de nos propres besoins, mais tout au long de l’UNCSW69, l’accent a été mis sur les soins communautaires ou collectifs. En plus de la navigation et du soutien général, les participantes ont pris grand soin de la sécurité des unes et des autres. Lorsque des militants anti-droits étaient présents et filmaient le panel Beijing+30, une multitude de messages ont été échangés et quelqu’un est intervenu pour assurer le bien-être des personnes présentes dans la salle. En travaillant dans l’isolement et en étant seules à prendre soin de nous-mêmes, nous nous épuisons facilement et beaucoup abandonnent le secteur. L’UNCSW69 nous a fourni des exemples des nombreuses façons dont nous pouvons nous soutenir les unes les autres et nous maintenir en bonne santé dans ce travail.
Construction du mouvement
La semaine de l’UNCSW69 a été l’occasion de voir la construction d’un mouvement en action. Lorsque le nouveau premier ministre canadien a supprimé le poste de ministre de FEGC, les féministes canadiennes se sont rapidement mobilisées pour publier une déclaration commune. Le niveau de collaboration nécessaire à l’élaboration d’un document qui a récolté beaucoup de signatures en si peu de temps a été impressionnant. En outre, le nombre de signatures dans l’heure qui a suivi la publication de la lettre a montré la force du mouvement pour la justice de genre au Canada. J’ai continué à recueillir des signataires longtemps après mon retour à Ottawa, et j’ai été frappée par ce que cela signifiait de faire partie d’un mouvement. Les élections étant désormais derrière nous, le travail de lutte contre le recul des droits se poursuit. Mais le fait de connaître la force de ce mouvement donne plus d’espoir pour l’avenir.
Dernières réflexions
Outre ces précieuses leçons, le renforcement des liens et des connaissances est essentiel pour notre travail actuel de lutte contre la VFG et de soutien au secteur des maisons d’hébergement (MH). L’engagement avec d’autres organisations nationales a été précieux, en particulier dans la perspective de la conférence mondiale sur les MH qui aura lieu plus tard dans l’année. Nous avons travaillé avec des réseaux comme ceux des États-Unis et de l’Australie, mais j’ai hâte d’entrer en contact avec des réseaux plus petits dans un avenir proche, comme celui de l’Autriche.
Les défis auxquels nous sommes confrontées au Canada ne sont pas uniques. Le monde entier fait face à des crises du logement, et la crise du travail que nous observons dans les MH dépasse les frontières de notre secteur ou de notre pays. Les connexions avec d’autres organisations qui réfléchissent également à ces enjeux permettent de nouer de nouvelles alliances pour la défense des droits, d’intégrer les meilleures pratiques mondiales à notre travail et d’étendre nos recherches. Au moment où le G7 se réunit, j’espère que les dirigeants prendront au sérieux les leçons que les féministes proclament depuis des décennies: la voie de la sécurité et de la prospérité passe par l’égalité, la solidarité et les soins.
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Robyn Hoogendam est responsable depuis 2022 de la recherche et des politiques chez Hébergement femmes Canada. Depuis plus de dix ans, elle mène des recherches orientées vers l’action dans le secteur à but non lucratif dans des domaines tels que la garde d’enfants, la pauvreté, la sécurité alimentaire et la violence fondée sur le genre. Titulaire d’un doctorat en politique publique de l’Université de Carleton, elle s’est intéressée au financement fédéral des organisations de femmes luttant contre la violence au Canada.